Extrait 2 Brocart

Il retournait la terre en prenant son temps. Face à la mer, sur un promontoire qui surplombe l'estran rocheux, non loin de la plage de Chef de Baie, il savait que le poste de secours était évidemment fermé en cette saison et que les promeneurs se faisaient plus que rares, surtout à cette heure avancée de la nuit. Alors il prenait son temps pour bien préparer le terrain.

Le temps était sec, idéal dans ce genre de situation. Il n'aurait pas pu espérer de si bonnes conditions climatiques. La fébrilité lui tiraillait les entrailles. Pourtant, sa concentration était telle qu'il ne se sentait pas trembler. C'était une première et il avait l'anxiété du débutant mêlée à son expérience qui lui disait "Du calme, tu maîtrises bien le sujet! Avec les cours que tu as suivi, tu dois y parvenir sans soucis. Tu ne savais rien faire et tu es devenu peintre en quelques semaines. Tu dois pouvoir arriver à être le sculpteur!" Il pensa rapidement à Rodin, pour qui il avait une admiration sans bornes.

Pendant son travail, il ne transpirait pas. L'habitude. Et puis, il était fait comme ça génétiquement. Il avait sans doute hérité ça de son arrière grand père qui avait connu la guerre et impressionnait ses geôliers paraît-il parce que le transport des cadavres du camp ne le faisait jamais transpirer. Ses libérateurs, tout aussi fascinés, l'avaient surnommé l'increvable. Pourtant, il fut emporté dans sa centième année par un simple rhume.

D'un coup de cutter, il transperça un des sacs de sables qui jonchaient le coffre de son 4X4. Le sable s'écoula rapidement avec un bruit de pluie fine. Méticuleusement, il avait ensuite humidifié la masse inerte sur le sol, puis mis en forme la sculpture de silice. Une femme était née sous ses doigts magiciens. Lorque le travail fut achevé, il prit des photographies avec un vieux polaroïd.

La falaise qui surplombe l'estran rocheux, un coin tranquille et parfait pour la scène...